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22 décembre 2004
Fin du monde en Irak, chapitre 157
Sans surprise, l'actualité sécuritaire en Irak est décrite ce matin en termes quasi apocalyptiques dans les médias, qui transforment la mort d'une vingtaine de GI's sous une salve de roquettes en bilan complet d'une opération militaire menée par plus de 160'000 soldats. Curieusement, la palme de l'incohérence revient au Temps, habituellement mieux inspiré, dont l'affichette matinale est rigoureusement incompréhensible (« Otages français libérés : les Etats-Unis de plus en plus seuls en Irak »), et qui parle de « massacre » à Mossoul sans que l'on se rappelle avoir lu des expressions équivalentes lors de la prise de Falloujah, où 1200 combattants sunnites sont morts en l'espace d'une semaine.
Depuis le déclenchement de cette opération militaire, chaque coup dur encaissé par la coalition est aussitôt transformé en événement funeste, annonciateur d'un désastre imminent, au lieu d'être replacé dans le contexte global d'un conflit de haute puis de basse intensité. On se rappelle le fameux « enlisement dans le désert » de la coalition, la non moins fameuse « résistance acharnée » de la population irakienne, le « moral catastrophique » des soldats américains, le caractère « invisible et insaisissable » de l'insurrection sunnite, ou encore la stupéfiante « union sacrée » entre chiites et sunnites contre l'occupant. Autant de jugements hasardeux et biaisés que les faits n'ont pas tardé à démentir.
Comment donc expliquer les dérives répétées commises par la majorité des médias, qui annoncent une fois de plus la fin du monde en Irak, à 5 semaines d'élections pourtant historiques ? Il va de soi que le militantisme est le poison des rédactions, et que la volonté de convaincre - ou de justifier ses convictions - joue un grand rôle dans les distorsions de l'actualité exercées au quotidien. La recherche des événements les plus vendeurs, logique dans une perspective commerciale, se double ainsi à propos de l'Irak par une recherche des événements les plus vengeurs, à l'exclusion de tous les autres. C'est éminemment regrettable, et dommageable pour la crédibilité des journalistes.
Voilà bien longtemps qu'il est impossible de se faire une idée sur la situation en Irak par la seule lecture des médias traditionnels. Les weblogs viennent à la rescousse : la compilation des bonnes nouvelles d'Irak réalisée toutes les 2 semaines par Chrenkoff, les analyses du Belmont Club ou du Fourth Rail ainsi que les témoignages des soldats sur place sont ainsi indispensables. Les communiqués des différents commandements militaires, systématiquement ignorés ou transformés par les médias (que seules les pertes intéressent), doivent également être consultés, tout comme les reportages des journalistes intégrés aux unités et décrivant leurs activités.
Toutes ces informations permettent d'acquérir une vue d'ensemble de l'Irak, ce que la concentration sur des événements aussi dramatiques que ponctuels rend impossible. Mais cette perspective doit surtout être articulée en fonction de la dimension propre aux conflits de basse intensité, afin d'intégrer les facteurs décisifs et d'évaluer les actions des belligérants ; à savoir celle d'une lutte progressive, d'un combat aux points, qui se déroule simultanément sur 3 lignes d'opérations interdépendantes : la sécurité, la politique et l'économie. Et c'est bien là le problème central auquel sont confrontées les rédactions : la difficulté à cerner les indicateurs permettant de juger l'évolution du conflit.
Mon jugement personnel, un ouvrage maintes fois remis sur le métier, a toujours conclu au succès progressif de la coalition, et à l'absence de succès durable de ses ennemis. Ce jugement n'a de valeur que par le sérieux des analyses qui le fondent, et reste donc éminemment faillible ; mais il peut être discuté, contredit ou complété, en permanence, ce qui le distingue de la production médiatique régulière.
COMPLEMENT DU 22.12 : Apparemment, l'attaque serait due à un attentat-suicide, le premier à l'intérieur d'une base américaine. Cette information doit cependant encore être confirmée.
Publié par Ludovic Monnerat le 22 décembre 2004 à 9:55
Commentaires
Il est vrai que les médias font les choux gras de chaque attaques et incidents meurtriers en Irak alors qu'une guerre faisant plus de 2 millions de morts en Afrique depuis 10 ans est passe inapercue.
Je signale tout de méme le fait que le nombre d'attentats ne diminue malgré la chute de Fallugah et il y a tout de méme le fait que 5 500 personnes sont considéré comme déserteurs depuis le début des opérations en Irak :
http://www.cbsnews.com/stories/2004/12/06/60II/main659336.shtml
Pour une armée professionelle, ce dernier chiffre est inquiétant.
Publié par Frédéric le 22 décembre 2004 à 11:50
La focalisation sur l'Irak est une réalité effectivement dérangeante, si l'on songe au Congo ou au Soudan (Darfour).
Maintenant, les sources militaires américaines annoncent une baisse de 50% des attaques depuis la chute de Falloujah. Cela reste à confirmer, car la proximité des élections devrait avoir l'effet inverse, mais c'est intéressant.
Quant au reportage de CBS, la fiabilité en chute libre de cette chaîne amène à fortement douter de ses assertions. Il est plus probable qu'elle fasse l'amalgame entre les militaires qui désertent effectivement de leur unité (AWOL, absent without leave), apparemment peu nombreux, et les réservistes qui tardent à entrer en service ou qui tentent d'obtenir une remise de leur mobilisation. Dans tous les cas, le Pentagone n'a rendu public ou confirmé aucun chiffre allant dans ce sens, du moins à ma connaissance.
Publié par Ludovic Monnerat le 22 décembre 2004 à 12:26
Il semblent en effet que ce chiffre de 5500 déserteurs reprit par plusieurs médias (80 réf sur Google) ne proviennent que de ce seul reportage de CBS.
On trouve quelques dizaines de déserteurs au Canada dont un "Marine" qui passe devant les tribunaux pour obtenir l'asile politique !
J'ai trouvé cette analyse en français qui spécule sur la chute du moral des troupes a partir de ce seul article mais il y a un lien sur un autre article interresant sur le "Times" londonien :
http://www.dedefensa.org/article.php?art_id=1296
Concernant les réservistes US, au mois dernier, 4024 ont demandé un report ou une exemption.
Publié par Frédéric le 22 décembre 2004 à 17:37
Je suis surpris que pour une fois vous vous focalisiez sur le traitement émotionnel des medias sur l'attentat de Mosul (Du reste si les « occidentaux » se moquent bien des morts Iraquiens de Falloujah, ce n'est probablement pas le cas de la population locale). Pourtant, quel que soit le bilan humain, il me semble bien que cet attentat suicide constitue bien un événement majeur :
D'un part parce que c'est la première fois qu'une telle attaque est menée avec ""succès"" (Au moins 1 attentat au camion piégé avait été déjoué au début de la guerre). Egalement parce que cela vient confirmer les doutes sur la loyauté d'une partie des membres des forces de sécurité Iraquiennes (La aussi la différence est de taille entre du renseignement/espionnage et une action de sabotage)
Enfin, si l'Iraq n'est pas le Liban, un attentat suicide dans une caserne peut avoir des répercutions importantes même au niveau stratégique (Et les forces US en sont conscientes, il n'y a qu'a voir comment les entrées de leurs bases sont protégées). Même si des mesures vont être prises (qui vont encore compliquer les relations ING/Forces US) on ne peut maintenant plus exclure un attentat qui infligerait des pertes suffisamment importantes pour entraîner une réaction émotionnelle imprévisible au pays (Surtout après les élections qui apparaissent comme une des finalités de l'opération militaire pour la population Américaine).
Enfin, concernant les trois axes que vous mentionnez: la sécurité, la politique et l'économie. Il me semble qu'il faudrait ajouter la "situation informationnelle", ou analyser ces trois facteurs ... au travers de cette situation, puisque vous venez de montrer que en définitive, la véritable situation du terrain n'a guère d'importance, ou qu'en tout cas elle n'influence pas la perception que la population a de cette situation (puisque les sondage semblent montrer que la population notamment aux Etats-unis partage le scepticisme de certain medias).
Le fait est que cette guerre sera gagnée le jour où la presse Iraquienne et US auront l'impression qu'elle le sera. Le gouvernement US, ayant encouragé le virtualisme (un autre commentateur pointait vers de-defensa!) en faisant des déclarations qui on frisée le n'importe quoi au début de cette guerre. Ils expérimentent aujourd'hui le retour de bâton prévisible. L'indépendance de la presse ne conduit pas nos medias à faire des analyses intelligentes, mais à faire des analyses qui nuisent successivement et également à toutes les parties dans ce conflit !
Publié par Fra le 23 décembre 2004 à 13:49
Concernant la fiabilité des forces Irakienne gouvernementales, selon un conseiller du 1er ministres Irakiennes, pas moins de 5 % seraient considéré comme des insurgé ou des partisans Bassistes -infos pris sur le mensuel "Raids" n° 223 de Décembre-
Un journaliste à écrit il y a quelques temps :
"Ce n'est pas l'armée qui à les meilleurs armes qui gagne, c'est celle qui raconte la meilleure histoire"
Publié par Frédéric le 27 décembre 2004 à 14:35
Hello folks nice blog youre running
Publié par lolita le 20 janvier 2005 à 4:30