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15 décembre 2004
Entre réservistes et professionnels
Une analyse approfondie de James Joyner sur Tech Central Station met le doigt sur les questions posées par le recours prolongé aux réservistes ou le maintien en service actif de soldats ayant dépassé le terme de leur contrat au sein des Forces armées américaines.
Ce texte résume bien les injustices que peuvent engendrer ces prolongations, et le caractère de plus en plus trompeur du recrutement dans la Garde nationale, mais aussi l'intérêt en termes de cohésion et d'efficacité que revêt le blocage des rotations individuelles.
La récente annonce du Pentagone concernant les unités prévues pour être déployées en Irak et en Afghanistan, entre mi-2005 et mi-2006, rappelle cependant une réalité stratégique de taille : c'est uniquement grâce aux formations et soldats non professionnels que les militaires américains ont aujourd'hui la capacité de maintenir indéfiniment un volume de 200'000 hommes au Moyen-Orient et en Asie Centrale.
Ainsi, en mai 2003, les unités américaines ayant envahi l'Irak comptaient environ 5% de soldats incorporés dans la Garde nationale ou dans la réserve ; depuis l'été 2004, ceux-ci forment le 40% des effectifs, et sont très nettement majoritaires dans des fonctions spécifiques comme la police militaire ou les affaires civiles. En d'autres termes, la capacité à durer au-delà de quelques mois dépend des réserves.
L'US Army compte actuellement quelque 160'000 réservistes et gardes nationaux en service actif sur un total de 550'000. Pour le Corps des Marines, ces chiffres sont respectivement 10'500 sur 39'600. Les deux autres composantes traditionnelles, l'Air Force et la Navy, en font un recours bien inférieur, dans la mesure où les opérations actuelles sont avant tout terrestres. Quant aux forces d'opérations spéciales, les chiffres concernant leur emploi sont classifiés.
A une époque où la majorité des armées européennes ont adopté le principe d'une armée de métier concentrée sur les soldats d'active, ce rôle majeur de la réserve jette une note discordante. Le profil des opérations militaires contemporaines nécessite de plus en plus une grande flexibilité dans l'emploi des armées, une capacité à la fois de réaction et d'endurance pour répondre aux crises et stabiliser une région donnée.
Les Forces armées américaines sont pour l'heure capables d'atteindre presque tous leurs objectifs de recrutement et de rétention, dans toutes leurs composantes, ce qui indique un moral solide dans leurs rangs. Pourtant, afin d'éviter des difficultés dans ce domaine, des mesures ont été prises pour faciliter le recrutement, comme la réduction de 92% à 90% de lycéens dans les quotas pour les hommes du rang de l'US Army.
Aucune armée professionnelle européenne ne parvient aujourd'hui à recruter et à conserver suffisamment de soldats, malgré l'ouverture croissante à des recrues étrangères (Sud-américains dans l'armée espagnole, etc.) et l'admission de candidats mentalement attardés (une étude a montré que 70% des soldats britanniques, dans une caserne donnée, avaient les capacités de lecture d'un enfant de 11 ans).
Et qu'en est-il en Suisse ? La formule de l'armée de milice, avec une petite composante professionnelle axée avant tout sur l'instruction, reste certainement la plus économique et la plus souple sur le plan du personnel. Toutefois, les pénuries d'effectifs dans les rangs des instructeurs et la difficulté à trouver suffisamment de candidats pour les missions à l'étranger - environ 250 militaires - montrent qu'il existe bien une fracture entre l'Europe et les Etats-Unis dans la perception de la chose militaire.
Une différence qu'il s'agit d'appréhender...
Publié par Ludovic Monnerat le 15 décembre 2004 à 22:21